Nous quittons Grenade après une dernière soirée à Windward au nord de l'île de Carriacou. Décidemment cette île nous aura charmés !
Une soirée à Windward
Mais le moment des retrouvailles tant attendues avec Lolita approche !
Souvenez-vous, Lolita : un Feeling 416 (petit frère de Spica), parti de Belle-ile le même jour que nous, dont les aventures étaient suivies par des amis à terre (Caro 30, Capu…) qui avaient attiré notre attention sur cet équipage (fan de voile et de rugby, 3 enfants) : « vous devriez bien vous entendre ! ». Yes Indeed.
Nous les avions enfin rattrapés à Dakar, puis recroisés au Cap Vert, et nous attendions avec impatience de nous retrouver « de l’autre côté ». Et ce n’est pas si facile ! Les équipages partis de Mindelo (au Cap Vert) n’avaient pas tous le même point d’atterrissage aux Antilles : Martinique, Guadeloupe, la Barbade, Antigua… ou Tobago ! Puis chacun a ses rendez-vous avec des proches venus les rejoindre au soleil, certains remontent l’arc antillais quand d’autres le descendent, ou font des aller-retours et engrangent des milles comme les Lolita.
La connexion se fait le 27 janvier à Union, ou plus précisément à Palm Island, une île paradisiaque mais complétement privatisée ! Les enfants sautent dans l’eau et sortent les paddles, les parents se rejoignent pour un café, chacun se raconte la transat, les trophées de pêche, les tortues, les mésaventures… Quelle joie de retrouver des amis ! Caro et Hervé accueille à bord la maman de Caro, venue courageusement passer quelques semaines à bord pour retrouver ses enfants et petits-enfants !
Nous nous dirigeons ensuite pour passer la soirée et la nuit à Union pour que nous puissions faire les formalités d’entrée dans ce nouvel état séparé de quelques kilomètres de Carriacou : Saint Vincent et les Grenadines ! Ça y est, nous sommes toujours en pays anglophone, mais tous les touristes sont français ! Nous retrouvons l’équipage d’Atséna que nous avions rencontré à Mindelo… Nous nous sentons un peu agressés après nos semaines sauvages entre Tobago et Carriacou… Il faut traverser les échoppes touristiques pour percevoir un peu de l’authenticité du village…
On prolonge les retrouvailles par un dîner à bord de Spica, avec des dégustations de ti-punch amoureusement préparés par Hervé. Les enfants sont si heureux de se retrouver que nous ne les entendons pas, on découvrira Jean endormi sur la couchette de Joseph pendant que Joseph viendra s’endormir dans le cockpit pour ne pas perdre une miette de nos récits de voyage…
Le lendemain nous nous empressons de quitter ce centre touristique pour Chattam Bay, baie immense et magnifique où quelques bateaux au mouillage côtoient des yachts démesurés (tiens, celui avec un petit hélicoptère à côté de nous est à vendre 38 millions US $ !).
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Snorkeling, rugby sur la plage, Pina Colada sirotés avec d’autres équipages au coucher du soleil pendant que les enfants jouent avec des tortues de terre…
Un petit air de Bretagne...
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Le lendemain, direction les Tobago Cayes en mode régate ! Le vent est là et ce serait trop bête de se priver d’une petite course quand on navigue avec Lolita, un bateau semblable au notre ! Nous sortons au rappel à la gîte, on tire des bords… La course se finit sous un gros grain, le vent monte et Théophile ressort avec joie son ciré tout neuf (pantalon + veste), Joseph fait de même ! Quelle joie de se sentir en Bretagne ! Nous arrivons donc aux mythiques Tobago Cayes sous la pluie, nous retrouvons Aïmalaïa (l’Outremer 55 et son équipage féminin ! Pardon Xav' ! ), Jacotte (un équipage de Dinard, même de St Enogat, même de l’avenue Harbour !)… Et sommes accueillis par une barque locale qui vient nous vendre du poisson hors de prix en nous hélant sous la pluie battante d’un « Welcome to paradise ! ».
Welcome to paradise !
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Les Tobago Cayes sont une réserve naturelle préservée, un archipel de 4 îles désertes.
La pluie et le vent tombés, nous réalisons que nous y sommes peut-être, au paradis : une eau turquoise à faire pâlir de jalousie les lagons polynésiens, des tortues et des raies qui nagent sous le bateau, des îles désertes qui hébergent des iguanes des petites antilles, des récifs coralliens pour nager avec les poissons...
Nous établissons notre camp de base sur l'île de Jamesby où nous débarquons avec Optimist, paddle ou kite pour pic niquer ensemble pendant que les enfants construisent des super cabanes ou organisent des courses de Bernard Lhermite (énooooormes !).
Nous arrivons même à faire l’école de façon plus apaisée en regroupant les niveaux : Joseph va sur Lolita avec Elouan et Jean pour les CE1, Pierre-Louis vient faire des dictées de CM2 avec Calixte sur Spica, les CP se regroupent également…
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Les enfants sont surmotivés et partent en annexe avec leur petit sac d’école sur le bateau d’à côté ! Il faut dire que l’école terminée, nous enfilons masques, palmes et tubas pour aller dire bonjour aux tortues avec les copains.
La vie est belle, le paradis on vous dit !
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Après 3 jours passés tous ensemble, à se retrouver sur une micro-île déserte à refaire le monde entre deux bords de kite ou d'optimist, les équipages se séparent, chacun reprenant le cours de son voyage… Parenthèse vraiment magique, dans une nature préservée qui nous a gatés ! Nous allions d'émerveillement en émerveillement avec des amis pour les partager !
Mayreau
Nous quittons les amis et partons à Mayreau avec Aïmalaïa pour passer le week-end. Mayreau est la plus petite île habitée des Grenadines, et à priori la plus préservée du tourisme. Nos guides nautiques nous racontent qu'un prêtre français, le Père Divonne, resté près de 20 ans sur l'île aurait encouragé la population de pêcheurs à développer son autonomie, notamment en installant en 1972 un récupérateur d'eau de pluie en maçonnerie de grande taille, faisant venir les matériaux et les savoir-faire sur ce petit bout de terre balayé par les vents. L'éléctricité y a été installée en 2002. L'île appartenant à une famille de Saint Vincent aucun des habitants n'est propriétaire. Les propriétaires de l'île n'ont pour le moment autorisé la construction que d'un seul hôtel, et le père Divonne encourageait les habitants à se tenir à l'écart du tourisme et à rester autonomes. Même si les bateaux de croisière s'y arrêtent et que le mouillage au nord de l'île (Salt Whistle Bay) est noir de catamarans, le village organisé autour de la seule route semble en dehors du temps.
Après avoir mis l’ancre dans la baie de Saline Bay nous retrouvons les copains pour un dîner à terre/ jeu de carte : ce sera belote pour les parents, et Loup Garou pour les enfants ! A la table des enfants chacun se prend au jeu, de 4 à 13 ans ! Sur la table des parents les hommes se font écraser par les femmes (un peu trop facile, n’est-ce pas, Nat’ ?) !
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Surprise !
Pendant que je savoure ma victoire, une annexe longe la plage avec un projecteur en criant…
Je me dis d’abord que c’est un « local » qui cherche quelqu’un, puis nous distinguons les mots « French boat… SPICA »… Jérôme se lève d’un bond, nous comprenons que notre ancre a laché et que le bateau dérape… Jérôme file (en laissant ses chaussures sous la table !) vers l’annexe amarrée au ponton quelques dizaines de mètres plus loin… Nathalie et Xav’ me proposent rapidement de s’occuper des enfants pendant que je vais le rejoindre. J’attrape Baptiste et je sprinte derrière Jérôme pour le rattraper : « Attends chéri, seul tu ne peux rien faire ! »
Dans l’annexe, nous sommes tous concentrés et nous répartissons les rôles « je démarre le moteur, tu amarres l’annexe et toi tu vas remonter l’ancre ! »
Dans l’obscurité, nous trouvons notre bateau à quelques mètres du bateau qui était derrière nous, et plusieurs annexes équipées de lampes frontales, prêtes à faire « tampon »…
En remontant l'ancre, je trouve le guindeau* laborieux, et en effet, notre ancre remonte la chaine du bateau qui est derrière nous, ce qui a pour effet de le rapprocher de nous ! Heureusement Xavier et Nathalie arrivent à ce moment là en annexe et arrivent à dégager la chaine sans que nous ayons à nous mettre à l'eau en plein nuit...
L'ancre remontée, nous allons mouiller quelques mètres plus loin. Les questions se bousculent : Que s'est-il passé ? Est-ce que nous avons été un peu trop rapides pour poser l'ancre ? Un petit coup de marche arrière plus mou que d'habitude ? Est-ce le fond (sable dur, algues...) ? Est-ce que ce n'est pas seulement notre chaine qui s'est tendue dans une risée ? Nous allons récupérer les enfants sur Aïmalaïa avec quelques citrons verts pour accompagner le punch qui nous remettra de nos émotions... Non sans nous retourner toutes les 3mn pour vérifier que notre bateau ne bouge plus !
Jour de match
Le lendemain nous partons à terre à la recherche d'une connexion wifi pour nous permettre de regarder le match France- Angleterre du tournoi des 6 nations ! Nous espérons au moins pouvoir suivre le live sur le site de L'Equipe... Nous nous installons dans un café pour prendre un coca... et du wifi ! Mais grosse déception, le débit est ridicule ! Les amis d'Aïmalaïa passent par là, et la persévérance de Xav nous permet de trouver encore mieux que du Wifi, une télé dans un bar vide que le propriétaire allumera pour nos beaux yeux ! Quel kif de regarder le match, avec des copains, de bouffer du rosbif en contemplant la mer en arrière plan !
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Nous continuons ensemble notre découverte de Mayreau en traversant le village qui nous semble désert.
Les terrasses des restaurant sont dressées, les menus affichés, mais on se croirait dans un western avant un duel (ou que les Dalton ont débarqué en ville…).
Finalement un jardin décoré nous plait plus que les autres, Jérôme le traverse, appelle… Il finit par passer la tête dans une maison, et trouve un cuisinier très heureux de nous ouvrir sa cuisine ! Nous lui expliquons que nous sommes 2 familles avec gros appétit et petit budget, il comprend gentiment notre cahier des charges, allume son four… et nous prépare un festin !
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Lambis (conche, ce beau coquillage orangé 20 fois plus gros qu’un bulot ! ), poulet, pâtes, riz aux légumes, giromon (grosse courge orange qu’on trouve aux Antilles)… Il sert un jus de fruit aux enfants pour les faire patienter… La préparation du repas prend beaucoup, beaucoup de temps, et les enfants jouent avec les tortues de terre « domestiquées » dans des jardinières, ou partent à la découverte du square de l’île.
C’est un peu un festin d’adieu avec les amis, comme beaucoup de rencontres du voyage, chacun reprend sa route et eux partent pour le Vénézuela avant -peut-être- d’enchainer sur une nouvelle année dans le Pacifique !
Notre cuisinier Macky (diminutif pour Macintosh !) a un certain âge et un style du tonnerre. En allumant son four il a allumé la musique… Bob Marley, of course ! Nous apprenons qu’il est retraité, il travaillaient dans un resto à St Vincent et que ses 3 enfants vivent et travaillent au Canada.
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Après avoir quitté l’équipage d’Aïmalaïa, nous continuons notre traversée de Mayreau en empruntant l’unique route goudronnée de l’île qui nous mène sur la face nord… Nous plongeons sur un lagon paradisiaque, eau turquoise, cocotiers, sable blanc… et blindés de voiliers de location !
L’ambiance est totalement différente de ce côté-ci de cette petite île, mais la paroisse ne s’y trompe pas, c’est également ici qu’il faut ramener les visiteurs à des considérations plus spirituelles !
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Après le we, l’école reprend sur SPICA avant de repartir vers les Tobago Cayes profiter une dernière nuit de notre coup de cœur des Grenadines en visitant une autre micro-île déserte, Baradal. Petite balade au soleil couchant pendant que Joseph et Baptiste font du cerf-volant et que Théophile piste les tortues de terre qui se cachent dans les fourrés…
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Nous devons amorcer notre atterrissage en douceur vers la France pour aller accueillir en Martinique mes parents qui nous rejoignent le 13 février.
Les îles sur notre route sont nombreuses et nous ne pourrons pas toutes nous y arrêter : Canouan, Bequia, St Vincent, Ste Lucie… Mais un arrêt à Canouan s'impose !
Canouan, l’île des contrastes
Nous savons que la côte « au vent » de Canouan (c’est-à-dire la côte bercée par les alizés, à l’est, côté Atlantique) est bordée d’une barrière de corail qui crée un lagon et des eaux turquoises. Malheureusement inaccessibles en voilier, nous espérons profiter de ces paysages magnifiques de cette longue île qui passe de l’ocre au turquoise. En arrivant depuis les Tobago Cayes, nous doublons une nouvelle marina en construction, des phares rutilants nous indiquant l’entrée. Des maisons identiques aux couleurs traditionnelles sont alignées sur la montagne, mais en nous approchant nous devinons qu’elles sont complétement artificielles… Cela nous rappelle la marina de Lanzarote Rubicon, marina confortable mais absolument pas authentique !
A peine l’ancre posée dans la baie devant le bourg, deux hommes en barque viennent nous accueillir et se présenter à nous : disponibles jour et nuit à la VHF, nous comprenons qu’ils sont là pour notre sécurité et pour faire les services d’eau ou de gazole.
A terre, l’accueil est différent : tout semble en chantier, quelques annexes sur la plage semblent indiquer la présence de plaisanciers. La musique est forte, la chaleur pesante, nous passons devant « Canouan Fruit Market » une minuscule échoppe dans laquelle deux vendeurs à la mine patibulaire se font face.
Nous n’arriverons pas à leur arracher un sourire à notre première rencontre… Dehors des ouvriers en pause déjeuner, des hommes et des femmes en polo verts et des dizaine de camions américains de travaux à l’abandon.
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Nous apprendrons que l’île est aux mains d’un promoteur qui détient la moitié nord de l’île et y a installé deux complexes hôteliers, il est également propriétaire de la nouvelle marina. Nous trouverons un café légèrement plus accueillant que les autres qui a du wifi... et sert le café local ! Tout est désert, on se demande comment font les gens pour vivre du tourisme.
Nous arrivons quand même à partir en exploration pour un petit pic nic et le paysage est à couper le souffle !
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Mais la raison de notre escale à Canouan est… la LANGOUSTE !
Sujet récurrent de nos échanges avec les Lolita, nous avions appris par un équipage français croisé à Chattam Bay que des langoustes trouvaient refuge près de tuyaux d’évacuation de la station de désalinisation de l’île. Baptiste et Jérôme ont bricolé un collet à langouste… Il faudra sans doute l’améliorer car après 2 heures de plongée, ils ne remontent qu’une petite langouste d’une quinzaine de centimètres… Baptiste cuisinera lui même sa pêche, quel privilège !
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Le mouillage devant l’anse Guyac a plus de charme que celui de Charleston ; nous sommes devant une petite plage déserte et nos voisins sont de charmants navigateurs sur un yacht monstrueux ! Vers 10h, deux membres d’équipage viennent nous voir (dans une annexe qui fait presque la taille de notre bateau ) et nous offrent une assiette de viennoiseries en disant « Our captain had a lot of fun watching you this morning ! »
Les enfants se régaleront de gauffres, croissants et pains au chocolat au goûter ! Quelle fête !
Après cette escale bien agréable et une dernière messe en anglais, nous continuons notre remontée vers la Martinique avec une dernière escale aux Grenadines sur l’île de Bequia.
Nous y passons 2 jours, au mouillage de Port Elizabeth. Ici il y a des dizaines de voiliers au mouillage et une majorité de bateaux de location. C’est le début des vacances en France et on reconnait facilement les vacanciers à la couleur de leur peau… On commence ici à ressentir la pression touristique. Et on comprend bien que, comme dans une ville trop touristique, lorsqu’il y a un peu trop de voiliers, le contact avec la population devient plus anonyme… En même temps on comprend que la beauté de ces îles, chacune différente et où il est facile de naviguer les rendent si attrayantes !
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*guindeau = treuil (électrique sur SPICA) qui sert à remonter l'ancre
Merci les amis !! On espère profiter de vos bons plans aux Açores dans quelques semaines 🤞
Incroyable cet article, on voyage, on régate, on mouille, on dérape, on s'est même servi un ti-punch pour vous rejoindre avec vos bato-copains!
Et ça fait plaisir d'avoir des nouvelles, savoir que Mac est toujours là à Mayreau avec sa généreuse porte ouverte! Que les bernard l'hermite ont gardé le bon entraînement des rallyes infernaux qu'on leur infligeait! Que la maison tout droit sortie d'un film de Tim Burton est toujours debout à Windward de Carriacou! Et maintenant l'église de Mayreau qui fait sa pub 4x3, waouh!!
Bon courage les amis, et joyeuses fêtes de Pâques xxxx