Après notre départ de Bequia, nous décidons de faire escale pour la nuit à Sainte Lucie. Le mouillage au pied des 2 pitons de 777 et 743 mètres est grandiose.
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Il est aussi un peu technique car le fond descend très rapidement à 50 mètres de profondeur à moins de 100 mètres du rivage. La solution consiste donc à poser l’ancre à quelques mètres du bord et à approcher le bateau de la plage en marche arrière, une solide amarre reliant la poupe à un arbre sur la plage.
Au lever du soleil, Baptiste va à la nage jusqu’au rivage pour nous libérer et nous filons vent de travers à pleine vitesse (7-8 nœuds, tout est relatif) vers la Martinique.
Cette empressement correspond bien à notre état d’esprit du moment car nous sommes tous excités à l’idée de retrouver un coin de France et surtout les parents de Bénédicte qui viennent passer une semaine aux Anses d’Arlet !
Les Anses d’Arlet
Le mouillage y est assez fréquenté mais la nature alentour est préservée et le village bien que largement tourné vers le tourisme a gardé une atmosphère très paisible. Autre avantage, la grande plage est orientée vers l’ouest, orientation idéale pour admirer de magnifiques couchers de soleil les pieds dans l’eau, avec ou sans ti-punch…Le village est parait-il nominé pour le concours du plus beau village de France organisé par Stéphane Bern et les habitants en sont très fiers.
Rapidement, nous explorons les pointes encadrant la baie, la pointe Lézarde et le cap Salomon. Le sentier sur ce dernier présente la particularité de contenir une portion « sous-marine » qui permet après la forêt sèche, l’ancienne batterie et la mangrove, d’admirer de jolis fonds marins remplis de gorgones et de poissons. Le concept demande un peu de logistique mais a beaucoup plu aux enfants (et aux parents) !
A l’habitation Clément où nous allons avec les parents de Bénédicte, nous découvrons une ancienne propriété agricole reconvertie en musée dédié au rhum, en jardin botanique et en centre d’art moderne. Les jardins mélangent toutes sortes de palmiers et d’arbres tropicaux avec des œuvres d’art. La visite de l’habitation permet de se rendre un peu compte de ce qu’était la vie à l’époque des plantations (surtout la vie des blancs car on apprend assez peu de choses sur la vie des esclaves pourtant très nombreux dans ce type d’exploitation).
Les fonds du mouillage des Anses d’Arlet sont recouverts d’algues que les tortues de mer viennent « brouter ». On a donc la chance de pouvoir les observer dès qu’on nage sous le bateau et nous avons le plaisir d’en faire profiter Pappy. Forts de cette première expérience, nous organisons une seconde sortie snorkling avec Pappy à l’Anse Noire, jolie baie de sable noir. On y voit quelques poissons mais aussi beaucoup d’oursins dont certains resteront marqués par notre passage, à moins que ce soient nos pieds qui en restent marqués…
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Fort de France et Carnaval
Après une semaine bien remplie, c’est le cœur serré que nous disons au-revoir à Pappy et Mamie. Les enfants et nous avons eu tant de plaisir à les revoir qu’on imagine que ce sera avec grand plaisir que nous retrouverons nos familles et nos amis à l’été 2020. Le carnaval est une véritable institution en Martinique. Il s’étend sur 4 jours, du Dimanche Gras au Mercredi des Cendres, chaque jour étant ponctué de 2 défilés, un vers 16 h, le second (« vidé pyjama ») vers 5-6h du matin après une nuit de fête…
On imagine que les 40 jours de Carême ne seront pas de trop pour se remettre d’une telle fête ! Chaque jour a sa propre thématique, le dimanche c’est le défilé des reines, le lundi les mariages burlesques (les hommes se déguisent en femmes et vice-versa), le mardi les diables rouges (tout le monde est en rouge et noir) et le mercredi on brule Vaval, le roi du carnaval (tout le monde est en blanc). Depuis notre mouillage devant Fort de France, on est aux premières loges pour assister au défilé du dimanche (de 16h, pas de 6h…) mais aussi des bradjacks. Il s’agit de voitures peinturlurées et customisées pour faire des explosions avec leur pot d'échappement. Elles sont tellement bruyantes qu’on doit presque crier pour discuter pendant le diner sur le bateau !
Le lundi Gras, avec Elfie, la cousine de Béné, vivant en Martinique depuis sa naissance nous avons le plaisir de participer à un petit vidé de quartier (vidé = défilé, si vous avez bien suivi). C’est pour nous l’occasion de rencontrer une partie de ses amis et d’avoir des discussions passionnantes sur la culture martiniquaise et évidemment sur le poids de l’esclavagisme dans les rapports Noirs/Blancs, Martiniquais/Métropolitains, Béqués/non Béqués… Cela nous donne quelques clés pour décrypter les interactions, parfois déroutantes, que nous avons au quotidien avec les Martiniquais… Souvent charmantes, parfois très distantes, on comprend qu’il existe une arrière-pensée qui nous échappe un peu. A terre ou sur notre bateau, nous passerons quelques journées avec Elfie. Elle nous fait découvrir la cascade du Didier, nous apprend plein de choses sur la flore très riche et nous donne quelques tuyaux pour bien choisir et cuisiner les légumes locaux (igname, dachin, patate douce…) dont nous ne savons pas trop quoi faire.
Le Marin
Le Marin est la « Mecque » de la voile aux Antilles. La baie du marin étant un excellent abri, de nombreux voiliers viennent y faire escale et tous les loueurs de voiliers y ont une base. Du coup tous les corps de métier nécessaires à l’entretien de ces centaines de voiliers y sont présents. Comme nous avons quelques travaux à faire sur SPICA, nous y passons quelques jours. Rien de bien important, mais la « to-do list » commence à s’allonger et c’est l’occasion ou jamais de la réduire. Effectivement, je trouve la bonne référence de pré-filtre à gasoil, l’expert électronique pour réviser le pilote automatique et les différentes bricoles pour changer une charnière par ci, vernir par là ou réparer la petite fuite sous l’évier qui nous suit depuis 2 mois… Les supermarchés sont accessibles en annexe et nous pouvons donc très facilement compléter notre avitaillement. Nous avons maintenant dans les placards de quoi tenir plusieurs semaines ! L’inconvénient est que le mouillage a une facette un peu glauque avec une eau rendue impropre à la baignade et avec quelques voiliers semi-épave y ayant pris racine et dont les skippers ne sont pas plus en forme que leurs bateaux…
La côte au vent
Une fois les travaux terminés, nous décidons de se remettre en pleine nature en remontant la côte Est de la Martinique, aussi appelée côte au vent. La côte y est très découpée, parsemée de nombreuses petites îles et de quelques grandes baies bien protégées (ces baies sont appelées ici des « havres »). Peu de plaisanciers y naviguent du fait de l’exposition aux vents d’Est dominants ici et de la barrière de corail qui l’entoure. Pour nous rappeler, le passage du cap au sud est de la Martinique qui marque le début de cette côte se fait vent de face, courant dans le nez et sous un grain. Après à peine 2 heures de navigation peu confortable, nous entrons derrière la barrière de corail pour y chercher la passe d’entrée du mouillage de Petite Grenade. La passe n’est pas balisée, la solution est donc de naviguer à vue, en se fiant aux vagues et à la couleur de l’eau. On ne voit d’abord que des déferlantes sur la barrière, y-a-t-il vraiment une entrée ici ? Enfin on voit clairement la passe apparaitre au milieu des déferlantes. Nous y passons sans soucis malgré les grands gestes d’une barque de pêcheur que nous ne comprenons pas très bien. Mais, on n’est pas encore dans le mouillage, il reste un haut fond indiqué sur les cartes et dans le guide nautique. On baisse le régime moteur, on scrute la couleur de l’eau et on surveille le sondeur. 2,3m, 2m, 1,8m, 1,7m… notre tirant d’eau étant d’1,65, il n’y a plus beaucoup de marge… on retient notre souffle… 1,9m, 3,2m… le fond redescend rapidement et on arrive enfin dans ce mouillage parfaitement calme au milieu de la mangrove.
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A la sortie le lendemain, nous « arrondissons » un peu plus la passe et nous avons un peu plus d’eau sous la quille, tant mieux. Après une petite navigation au milieu des îlets, nous arrivons dans le havre du François. Nous passons la nuit à l’abri de l’ilet Lavigne puis filons au havre du Robert pour y retrouver Elfie, Nicolas et leurs enfants. Avec eux nous naviguons jusqu’à l’ilet Chancel, connu pour ses iguanes endémiques. Iguanes que nous ne découvriront qu’en fin d’après-midi bien cachés dans les arbres ou sur le toit de la sucrerie en ruine.
Le lendemain, nous terminons en beauté notre séjour en Martinique par l’ilet Loup-Garou : un ilot de sable blanc de 70 mètres sur 15 sur lequel poussent 3 cocotiers. Nous y passons la journée et chacun trouve son bonheur, Baptiste pêche 2 poissons caporal, ses frères font une cabane et les parents discutent tranquillement. A la tombée du jour, nous mettons fin à près d’un mois en Martinique. C’est parti pour une nuit de navigation vers Marie-Galante.
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